Les subtilités de la donation entre époux
Qu’est-ce qu’une donation entre époux ?
La donation entre époux, aussi appelée donation au dernier vivant, permet aux époux de renforcer la protection du conjoint survivant en augmentant ses droits dans la succession de l’époux prédécédé.
Il s’agit d’un acte reçu par notaire, peu coûteux (compter environ 400 €). Puisque la donation ne produit aucun effet durant le mariage, elle est librement révocable, jusqu’au décès de l’époux donateur. Même si en pratique elle est souvent réciproque, ce n’est pas nécessairement le cas.
En présence de descendants, et sauf disposition contraire, le survivant pourra ainsi choisir entre :
- La quotité disponible ordinaire (la moitié de la succession si le défunt a un enfant, un tiers s’il en a deux, et un quart s’il en a trois),
- ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit,
- L’usufruit de la totalité
Rappelons qu’en optant pour l’usufruit, le conjoint conserve la jouissance et les revenus des biens successoraux.
A défaut de donation entre époux, le conjoint survivant devra se contenter des droits légaux, lesquels sont différents selon la présence ou non d’enfants non communs.
- Si tous les enfants sont communs, le conjoint survivant pourra choisir entre ¼ de la succession en pleine propriété ou la totalité en usufruit.
Intérêts et pièges en cas de famille recomposée
En présence d’enfants issus d’une autre union, le conjoint survivant n’a pas le choix et hérite du ¼ en pleine propriété.
La donation entre époux permet, dans cette situation, de gratifier le conjoint survivant en usufruit lorsque les droits légaux se limitent au quart en propriété. Il peut ainsi conserver son cadre et son niveau de vie (continuer d’habiter la résidence principale par exemple).
L’option pour la totalité en usufruit suppose toutefois une bonne entente entre le conjoint et les enfants de la première union.
Prenons l’exemple suivant :
M. et Mme JACQUES, mariés sous le régime de la séparation de biens, ont chacun un enfant d’une première union, et un enfant commun. Pour simplifier, nous prendrons comme hypothèse que leur patrimoine comprend uniquement une résidence principale, qui appartient à chaque époux pour moitié (indivision « 50 / 50 »), d’une valeur de 1 M€.
Ils se sont consentis une donation au dernier vivant. L’époux décède. Madame JACQUES envisage d’opter pour la totalité en usufruit de la succession pour continuer à occuper le bien. Elle détient la moitié en pleine propriété de la résidence principale et l’usufruit de l’autre moitié. Si l’entente familiale n’est pas bonne, le démembrement de propriété peut être source de grandes difficultés , puisque chacun des 3 enfants détiendra 1/3 de la moitié de la résidence principale en nue-propriété.
Il faudra probablement s’orienter vers un partage de la succession et, inévitablement dans cet exemple, vers une vente de la maison…
La donation entre époux n’est pas un partage !
Dans le cas où le conjoint survivant opte pour la quotité disponible ordinaire, cela signifie qu’il sera en indivision avec les enfants sur la totalité du patrimoine du défunt. Par exemple, en présence de deux enfants, il sera plein propriétaire du tiers de chaque bien, les enfants détenant également un tiers chacun en pleine propriété.
Pour avoir des droits divis sur un ou plusieurs actifs composant la succession, il sera nécessaire de procéder à un partage de la succession. Or un tel acte n’est pas neutre fiscalement : les héritiers devront s’acquitter du droit de partage de 2,50 % sur la valeur de l’actif net partagé…
La faculté de cantonnement pour une succession sur mesure
Sauf disposition contraire et s’il le souhaite, le conjoint survivant pourra cantonner son émolument, c’est-à-dire retenir uniquement les biens qu’il jugera utiles ou nécessaires à sa protection, et laisser passer le surplus aux enfants.
Cette faculté offre une grande souplesse au conjoint survivant en lui permettant de choisir certains biens et d’abandonner le reste.
Fiscalement, cet abandon aux autres héritiers n’est pas considéré comme une libéralité faite par le conjoint aux autres successibles. Les biens reçus par les héritiers par l’effet du cantonnement sont réputés transmis à titre gratuit par le défunt. Cela signifie que les droits dus par les enfants sont liquidés sur la part leur revenant dans la succession (comprenant les biens reçus suite à l’exercice du cantonnement) selon le tarif et les abattements applicables en fonction du lien de parenté avec le défunt. Le droit de partage (au taux actuel de 2,5%) n’est pas dû, même si le cantonnement porte sur un bien déterminé.
Prenons l’exemple suivant :
Monsieur et Madame DUPONT, âgés de 82 ans, sont mariés sous le régime légal (communauté réduite aux acquêts). Ils se sont consenti une donation au dernier vivant. Ils ont deux enfants communs, Martin (50 ans) et Lise (46 ans).
Monsieur DUPONT décède. Sa succession se compose de ses biens propres (héritage de ses propres parents) et de la moitié des biens communs.
Les biens propres de l’époux (pour un total de 500 000 €) :
- un bien locatif d’une valeur de 200 000 €
- un compte titres pour 300 000 €
Les biens communs (pour un total de 1,4 M€) :
- la résidence principale d’une valeur de 800 000 €
- une résidence secondaire d’une valeur de 400 000 €
- des liquidités pour 200 000 €
Soit un actif successoral de 1 200 000 € (500 000 € de biens propres et 700 000 € représentant la moitié de la communauté).
Le patrimoine Madame DUPONT s’élève à 1 000 000 € (300 000 € de biens propres et 700 000 € de biens communs).
Madame DUPONT souhaiterait être propriétaire de la totalité de la résidence principale et que le surplus revienne à leurs enfants. Elle choisit donc de cantonner son émolument sur la moitié de la résidence principale dépendant de la succession (400 000 €).
Le reste des biens est dévolu aux enfants (pour un total de 800 000 €).
Madame DUPONT ne sera pas en indivision avec ses enfants sur sa résidence principale, et n’aura aucune fiscalité à acquitter (les époux sont exonérés de droits de succession et le droit de partage ne s’applique pas en cas de cantonnement).
Le cantonnement s’avère ainsi être un outil puissant pour mettre en œuvre une stratégie familiale et patrimoniale efficace.